C’est après quatre séances et des dizaines de remises en question que nous avons enfin décidé de taper les premiers mots de ce tout premier article.
La raison pour laquelle nous avons tant hésité à écrire sur cette plateforme est due au fait que nous avons l’impression d’être des imposteurs. En effet, en tant qu’agence de communication audiovisuelle n’ayant pas de spécialisation journalistique ou sociologique, en quoi notre présence est-elle légitime sur une plateforme d’écriture? Après réflexion, nous avons compris que ce sentiment ne cesse de nous poursuivre depuis les débuts de l’entreprise.
Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur?
Durant l’une de nos séances, nous avons fait un tour de table où chacune des personnes présentes donnait sa propre définition du syndrome:
Premier gros contrat
En 2014, Gabriel et Nathan sont à ce jour les seuls membres de 23bis et travaillent depuis leur chambre, chez leurs parents. Ils attendent la réponse d’un client au sujet d’un pitch audacieux à plusieurs dizaines de milliers de francs: une vidéo interactive touristique se déroulant en été et en hiver dans deux langues différentes.
Nathan reçoit un e-mail.
Le mail confirme que le pitch a été accepté.
Les deux frères sautent de joie à l’idée d’obtenir leur plus gros projet jusqu’ici.
Ils reprennent leurs esprits, puis se disent: «Oh merde! Mais comment on va faire un truc pareil?»
En effet, toute la difficulté d’une idée audacieuse, c’est de réussir à la réaliser. La vendre, c’est une fierté. La concrétiser, c’est un cauchemar.
Un sentiment d’incapacité s’empare d’eux. Ils n’avaient jamais fait de vidéo interactive ni de contenu pleinement scénarisé. Ils n’ont à ce moment-là aucune idée si ce projet allait être un top ou flop.
En bref, ils manquaient d’expérience.
Ils mettent alors en place un découpage, différents scénarios et un schéma interactif. L’ampleur du projet les pousse à s’entourer de différentes personnes aujourd’hui associées ou employées de l’entreprise. Après des mois de tournage, la vidéo est bouclée, diffusée et appréciée de l’audience. Leur parti pris a payé puisqu’ils gagnent plusieurs prix avec ce projet, ce qui leur a permis de se développer en s’installant dans leurs premiers locaux et également de dévoiler 23bis au grand public pour sa capacité à aborder des sujets sous un autre angle.
Leur sensation d’être des imposteurs s’en va… jusqu’au projet suivant.
Le parcours sinueux des pitchs
Un client s’attend à ce qu’en tant que créatifs nous ayons connaissance de son sujet jusqu’à un certain point. Il désire qu’on lui propose un angle nouveau, et non pas qu’on lui présente son produit qu’il connaît comme sa poche. Nous avons une semaine, voire deux si nous sommes chanceux, pour comprendre sa demande, sa philosophie, son produit ou son service puis formuler et lui vendre une idée créative. C’est absurde, mais c’est comme ça que ça marche.
Mais en quelques jours, ce n’est pas toujours évident. Il arrive donc parfois que nous débarquions en rendez-vous avec une idée à vendre en laquelle nous croyons par son potentiel créatif, mais qui toutefois nous fait douter, car nous ne pouvons garantir avec une profonde certitude qu’il s’agit de la meilleure idée et qu’elle fonctionnera.
Au-delà du fait que nous devons agir rapidement, à l’étape suivante, nous ressentons une tension supplémentaire due à notre âge.
Jeunes adultes
Notre entreprise a été fondée, il y a maintenant cinq ans et à ce jour, notre moyenne d’âge est de 26 ans.
La machine s’étant enclenchée très rapidement, nous avons très vite pris des décisions entrepreneuriales bien que la création d’une entreprise ne faisait pas partie de nos projets initiaux.
Les jeunes agences tenues par de jeunes entrepreneurs sont encore rares de nos jours. C’est pourquoi, lorsqu’un client nous rencontre pour la première fois, il arrive qu’il soit déstabilisé, et alors nous aussi.
En 2015, Gabriel part en rendez-vous avec un client pour défendre un pitch.
Arrivant dans la salle, il se retrouve seul devant une dizaine de cadres assis autour d’une longue table de conférence, tous vêtus de costumes et de tailleurs alors que lui ne porte qu’un simple t-shirt et un pantalon. Il se trouve face au vrai cliché d’un meeting sorti tout droit d’un film américain.
Légèrement mal à l’aise dans cet environnement très formel, il commence à présenter le pitch devant l’assemblée. Au bout de quelques minutes, le directeur général lui coupe la parole: «Excusez-moi, mais… quel âge avez-vous?»
Surpris par cette question, Gabriel répond: «Notre entreprise a une moyenne d’âge très jeune. On nous contacte souvent pour cet élan de fraîcheur et notre vision originale que notre jeunesse peut apporter.» Le directeur général acquiesce. À la fin de la présentation, on remporte le contrat qui représente un partenariat sur plus de cinq ans.
Qui dit jeune, dit manque d’expérience. Qui dit manque d’expérience, dit manque de confiance.
N’importe quel client doute face à quelqu’un de peu expérimenté. Serait-on pleinement confiant en se faisant opérer par un chirurgien qui n’a jamais exercé? Probablement pas.
Et pourtant, toute personne débute un jour.
23bis a été fondé à l’instinct. Submergés par la demande nous avons monté notre entreprise sans étude de marché, ni de business plan. Heureusement pour nous, ce choix intuitif a porté ses fruits.
Malgré tout, nous ressentons un énorme contraste lorsque nous rencontrons des clients aux longs parcours universitaires qui s’avèrent être des experts réputés dans leurs domaines. Il est donc difficile de se savoir crédible et légitime face à eux.
À ce jour, nous estimons que notre force se trouve dans notre diversité. Nous avons travaillé sur des projets à thématiques et rubriques très différentes, tant pour de petites que pour de grandes entreprises. Cette diversité de contenus nous enrichit de jour en jour et forge notre expérience. Pour continuer à faire de notre mieux, il ne faut simplement pas oublier quelles sont nos forces et comment réussir à les puiser.
«Fake it till you make it»
Vue de nos jours comme une phrase d’escroc, cette expression (qui spécifie qu’en imitant la confiance, en prétendant avoir des compétences et en adoptant un état d’esprit optimiste, une personne peut réaliser sa promesse) était en premier lieu utilisée comme un moyen de se mettre en confiance lorsqu’on se sentait dépassé par un événement stressant, généralement dans le monde du travail.
En effet, la réalité des métiers créatifs veut que les processus conceptuels soient rapides et que nous soyons capables de nous adapter à tout environnement que nous promouvons. Et donc, même si au premier abord, nous semblons ne pas savoir où l’on va, ni de savoir de quoi on parle, il s’agit simplement de la réalité du parcours ordinaire de la création. Car chaque projet nous apprend davantage sur le sujet que nous traitons, la manière de l’aborder et du message à faire passer. C’est donc un apprentissage continu. Et puis, après tout, peu importe le parcours d’une agence créative, car elle est au final jugée par ses réalisations et non pas sur le cheminement de celles-ci. Si un client contacte un créatif, c’est parce qu’il aime son portfolio, pas la manière dont il l’a créé.
Nous veillons tout de même à ne pas promettre des choses inaccessibles. Ayons une petite pensée pour les misérables festivaliers du Fyre festival qui doivent sans doute encore regretter aujourd’hui l’achat de leurs billets.
Toute personne possède un domaine de compétences limités
Le manque d’expérience dans un domaine peut se transformer en valeur ajoutée. En effet, si nous nous lançons dans la promotion d’un type de produit que nous n’avons jamais pratiqué, notre manque de connaissances du produit ouvre les portes à de multiples possibilités. Car si nous ne connaissons pas les codes traditionnels du milieu, nous apportons une nouvelle perspective.
Nous avons également appris au fil du temps que se lancer dans l’inconnu peut s’avérer très compliqué. C’est pourquoi aujourd’hui, lorsque nous sommes dépassés par l’ampleur d’un projet, nous nous entourons de spécialistes pour nous aiguiller au mieux dans les domaines que nous ne pouvons maîtriser: journalistes, copywriters, directeurs de photographie, techniciens, stylistes, ou encore des consultants. Par ce biais, nous savons que nous gagnons en qualité grâce à l’apport de nos collaborations.
Aujourd’hui nous sommes heureux de voir chaque nouveau projet comme un terrain de jeu.
Personne n’est là par hasard
Ne pas se sentir à sa place, c’est un sentiment infondé. Qu’on soit autodidacte, diplômé, reconverti, passionné ou non, nous sommes tous légitimes à faire notre travail.
Si aujourd’hui nous décidons d’entrer dans un domaine hors de nos compétences en écrivant cet article, c’est simplement que nous avons des choses à communiquer qui ne sont transposables nulle par ailleurs.
Nous souhaitons simplement partager notre expérience avec vous.